Gastronomie: Identité Nationale et Levier de la Gastrodiplomatie Mondiale

Édité par : Olga Samsonova

Le concept de gastronationalisme érige la nourriture en reflet tangible de l'identité nationale et en levier stratégique pour les relations internationales. Cette approche utilise les spécificités culinaires pour consolider le sentiment d'appartenance au sein d'une collectivité. La cuisine, par sa nature non conflictuelle, sert de marqueur culturel essentiel, notamment pour les populations immigrées cherchant à maintenir un lien avec leurs origines tout en s'intégrant dans de nouveaux contextes sociétaux. Alors que certains nationalismes peuvent engendrer des tensions par la compétition, la gastronomie favorise l'échange et le partage, une dynamique observable dans l'essor des établissements culinaires internationaux au sein de métropoles cosmopolites telles que Madrid. Néanmoins, cette sphère n'est pas exempte de dérives, certains courants cherchant à instrumentaliser les coutumes gastronomiques pour exacerber les clivages sociaux et politiques.

La gastrodiplomatie, définie comme l'usage délibéré de la cuisine nationale pour modeler la perception globale d'un pays, gagne en importance dans les stratégies de pouvoir doux (*soft power*). Un exemple historique notable est celui du Portugal, où les menus diplomatiques ont opéré une transition significative il y a plusieurs décennies, délaissant l'hégémonie de la cuisine française au profit de la mise en avant des spécialités locales. Cette valorisation du terroir vise à construire une image de marque nationale positive et authentique. Le Portugal est souvent qualifié de « secret gastronomique le mieux gardé de l'Europe », bien que sa cuisine soit parfois considérée comme sous-estimée à l'étranger, malgré la reconnaissance de chefs comme George Mendes ou Nuno Mendes.

La Thaïlande constitue un cas d'étude probant en matière de promotion culinaire étatique. Le programme « Global Thai », initié en 2002 par le gouvernement, avait pour objectif de faire passer le nombre de restaurants thaïlandais à l'étranger de 5 500 à 8 000 dès 2003. Cette croissance a été largement confirmée, atteignant actuellement 17 478 restaurants dans le monde, dont 1 546 certifiés Thai SELECT. Cette initiative, menée par le Ministère du Commerce et le Département de la promotion du commerce international (DITP), s'inscrit dans une politique de *soft power* visant à stimuler le tourisme et l'économie nationale. Le soutien continu depuis 2002 a permis d'atteindre un pic de 15 000 restaurants à une certaine période, soulignant l'efficacité de cette diplomatie par le goût.

L'art culinaire transcende les divergences, agissant comme un pont de connexion dans des contextes variés, des réunions familiales aux réceptions d'État, et fonctionne comme un élément identitaire capable de réduire les écarts culturels. Historiquement, l'utilisation de la table comme instrument diplomatique remonte loin, comme en témoigne le Congrès de Vienne en 1814, où Talleyrand, avec l'aide du chef Antonin Carême, utilisa des dîners somptueux pour influencer les négociations. Aujourd'hui, cette tradition se perpétue, mais la gastrodiplomatie moderne englobe une promotion plus large que les seuls banquets d'élite, visant l'ensemble de la sphère publique pour accroître l'attractivité du pays. L'American University à Washington propose d'ailleurs des cours dédiés à ce champ d'étude, reconnaissant son rôle dans les relations internationales contemporaines. Bien que la mondialisation puisse exercer une pression vers l'uniformisation des pratiques alimentaires, la cuisine nationale, loin de disparaître, se voit valorisée et parfois transformée par ces échanges, créant de nouvelles identités hybrides.

Sources

  • EL PAÍS

  • EL PAÍS

  • El Diario de Madrid

  • Agencia Estatal de Investigación

  • ResearchGate

  • IGCAT

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