Cinq Concepts Émotionnels Transculturels Défient la Lexicographie Mondiale

La diversité du langage humain, estimée à environ 7 000 idiomes, présente un défi universel dans la description des états émotionnels complexes, engendrant l'existence de termes intraduisibles propres à chaque culture. Ces lacunes lexicales mettent en lumière des angles morts dans la perception et l'articulation des expériences subjectives à travers le monde. Alors que certaines langues, comme l'allemand, disposent de vocables pour des sentiments nuancés, tel le Weltschmerz exprimant une lassitude existentielle, d'autres concepts nécessitent des développements descriptifs pour être appréhendés.

Le concept japonais de Wabi-Sabi illustre cette richesse sémantique, célébrant la beauté intrinsèque de l'imperfection et de l'éphémère. Cette notion, enracinée dans la philosophie zen et le taoïsme, s'est développée notamment à partir du XVe siècle dans la littérature japonaise. Cette esthétique, qui valorise la patine du temps et la simplicité humble, offre une perspective philosophique de vie contrastant avec la recherche occidentale de perfection absolue, encourageant l'acceptation de l'incomplétude.

Un exemple marquant d'émotion non-transférable provient de la langue Boro, parlée par environ un million de personnes dans l'État d'Assam en Inde. Le terme Onsra encapsule le moment doux-amer où l'on aime profondément quelqu'un tout en ayant la certitude que cet amour est sur le point de s'achever ou doit être abandonné. Cette notion capture l'acte de choisir un bonheur fugace malgré la connaissance de la finalité imminente d'une relation, un sentiment que les locuteurs du Boro, un idiome de la famille Tibéto-birmane, peuvent exprimer en un seul mot.

De la Terre de Feu, le mot Mamihlapinatapai, issu de la langue Yaghan aujourd'hui éteinte depuis le décès de sa dernière locutrice en février 2022, est célèbre pour avoir été listé dans le Livre Guinness des records comme le « mot le plus succinct ». Il décrit ce regard partagé entre deux individus qui souhaitent tous deux initier une action, mais où la timidité ou l'hésitation mutuelle empêche l'un ou l'autre de prendre la première initiative, un concept également utilisé pour illustrer le dilemme du volontaire en théorie des jeux. Parallèlement, le vocabulaire inuit offre Iktsuarpok, qui désigne l'agitation anxieuse poussant une personne à vérifier de manière répétée à la porte ou à la fenêtre l'arrivée d'un visiteur attendu.

La culture finlandaise repose sur le concept de Sisu, une détermination, une résilience et un courage extraordinaires déployés face à des adversités écrasantes, même lorsque les chances de succès sont minces. Ce pilier culturel, dont la racine sis- renvoie à l'intérieur, a été cimenté dans l'identité nationale durant la Guerre d'Hiver (1939-1940) contre les forces soviétiques. Enfin, la Chine contribue avec Yuanfen, qui décrit l'affinité naturelle ou la coïncidence fatale orchestrant la rencontre de deux individus, souvent dans un contexte romantique, impliquant une connexion prédestinée par le karma ou les vies antérieures. Les chercheurs Yang Kuo-shu et David Ho ont analysé les avantages psychologiques de cette croyance, notant qu'elle favorise l'harmonie sociale en attribuant les événements négatifs à des forces hors de contrôle personnel, distinguant le Yuanfen du destin occidental rigide par son aspect interactif.