Le nouveau documentaire "Riefenstahl", réalisé par Andres Veiel, plonge dans la relation complexe entre la cinéaste allemande Leni Riefenstahl et le régime nazi. Présenté au Festival de Venise en août 2024, le film a remporté le Prix du Cinéma et des Arts, soulignant l'importance de son exploration de cette figure controversée de l'histoire du cinéma.
Riefenstahl, célèbre pour ses films de propagande tels que "Le Triomphe de la Volonté", était une proche collaboratrice d'Adolf Hitler. Suite à son décès en 2003, ses vastes archives, comprenant des films amateurs et une correspondance personnelle, ont été acquises par la Fondation du patrimoine culturel prussien en 2018, offrant un accès sans précédent à son œuvre et à sa vie. Le film d'Andres Veiel examine les affirmations de Riefenstahl concernant son ignorance des atrocités nazies, les confrontant à des séquences d'archives et des interviews.
Un passage notable met en scène Riefenstahl aux côtés d'Elfriede Kretschmer, une militante anti-nazie, qui a exprimé son scepticisme quant à l'ignorance alléguée de Riefenstahl. Le documentaire suggère également une possible implication de Riefenstahl dans la mort de civils juifs. Bien qu'elle ait affirmé avoir été témoin d'une exécution en Pologne, des preuves, notamment une lettre retrouvée dans ses archives, indiquent que ses directives auraient pu être interprétées comme un ordre de tirer sur des travailleurs juifs à Końskie en septembre 1939, entraînant la mort de dix-neuf personnes.
Le film argumente en faveur de l'accès éducatif aux œuvres de Riefenstahl, reconnaissant l'influence durable de ses techniques cinématographiques. Andres Veiel établit des parallèles entre les méthodes de propagande de Riefenstahl et la rhétorique politique contemporaine, présentant le film comme un avertissement. L'œuvre de Riefenstahl, notamment "Le Triomphe de la Volonté" et "Les Dieux du Stade", continue d'être étudiée dans les écoles de cinéma pour son innovation technique, malgré son contenu idéologique.
Le documentaire, s'appuyant sur des centaines de documents inédits, cherche à démêler le mythe de la réalité, confrontant le talent artistique de Riefenstahl à son ambiguïté morale et à ses liens avec le régime nazi. Les archives, méticuleusement organisées par Riefenstahl avant sa mort, sont présentées comme une tentative ultime de façonner sa propre légende, celle d'une artiste apolitique. La complexité de sa personnalité, entre fascination pour Hitler et déni des crimes du régime, est au cœur de l'analyse d'Andres Veiel, qui met en lumière la responsabilité de l'artiste face à la puissance de l'image.