L'Ouganda a franchi une étape décisive dans sa quête de souveraineté numérique en inaugurant le premier centre de données en Afrique entièrement dédié à l'intelligence artificielle (IA). Ce projet d'envergure vise à réduire la dépendance du continent vis-à-vis des infrastructures étrangères pour le traitement de ses données, offrant ainsi un contrôle accru aux institutions, chercheurs et entreprises africaines.
Piloté par Synectics Technologies, ce projet représente un investissement colossal de 1,2 milliard de dollars. L'installation, conçue pour fonctionner avec 100 mégawatts d'énergie renouvelable, bénéficie d'une conception modulaire qui permettra une expansion future. Le déploiement initial est prévu pour mi-2026. L'initiative s'articule autour de quatre objectifs principaux: la gestion et le traitement des données, le soutien à la recherche et au développement en IA, le fonctionnement comme centre consultatif, et l'hébergement d'un Centre d'Excellence en IA. Ce dernier, fonctionnant selon un modèle "Build-Operate-Transfer", formera les talents locaux à la gestion et à l'innovation au sein de l'installation.
S'étendant sur plus de 80 acres, cette "ville numérique" ambitionne de créer un écosystème propice à l'optimisation locale des innovations basées sur l'IA par les chercheurs africains. Synectics Technologies collabore avec des partenaires de renom tels que Schneider Electric, Nvidia et Turner & Townsend pour mener à bien ce projet. Turner & Townsend apporte son expertise en gestion de programme, de projet et de coûts, renforçant ainsi la vision stratégique de l'initiative.
Malgré une population africaine nombreuse, le continent ne représente actuellement que moins d'un pour cent de la capacité mondiale des centres de données, la majorité des données étant traitées à l'étranger. Cette situation soulève des préoccupations majeures en matière de sécurité, de souveraineté et de conformité des données, d'autant plus que de nombreuses nations africaines renforcent leurs réglementations sur la protection de la vie privée. Wendy Cerutti de Turner & Townsend a souligné que l'installation respecte les normes internationales, sécurisant ainsi l'avenir numérique de l'Afrique et s'alignant sur les objectifs de neutralité carbone.
Les analystes prévoient que l'IA pourrait contribuer jusqu'à 1,5 billion de dollars au PIB de l'Afrique d'ici 2030, voire 2,9 billions de dollars selon d'autres estimations. Ce nouveau centre de données est donc stratégiquement positionné pour faire du continent une plaque tournante de la recherche, de l'innovation et de l'exportation de compétences. Ifeanyi Odoh de Schneider Electric a rappelé que le manque d'infrastructures à grande échelle avait précédemment freiné les investissements hyperscale en Afrique. L'installation bénéficiera de multiples liaisons fibre optique, de transformateurs redondants et d'une automatisation avancée pour garantir sa fiabilité.
Des experts alertent sur le fait que sans capacités locales, les risques d'utilisation abusive des données et de faible conformité augmenteront avec l'adoption accélérée de l'IA. En intégrant des cadres de confidentialité et de conformité robustes, Synectics et ses partenaires visent à bâtir la confiance parallèlement au développement des infrastructures. Cette "usine IA", alimentée par des énergies renouvelables, est perçue comme un catalyseur pour les économies numériques en Afrique de l'Est et un symbole de l'entrée du continent dans la Quatrième Révolution Industrielle. L'engagement de Schneider Electric dans le développement d'énergies vertes en Afrique, via des partenariats stratégiques, souligne l'importance de l'intégration des énergies renouvelables pour soutenir ces infrastructures numériques énergivores.