Notre sens de l'odorat, bien qu'automatique, est un mécanisme complexe qui nous permet de naviguer dans notre environnement. La théorie classique, proposée par Linda Buck et Richard Axel en 2004, suggère que des protéines réceptrices dans notre nez captent les molécules odorantes par affinité de forme, déclenchant un signal interprété par le cerveau. Cependant, cette explication ne parvient pas à rendre compte de différences olfactives marquées entre des molécules de structures similaires, ni de la perception d'odeurs distinctes pour des molécules aux formes quasi identiques.
Face à ces limites, une théorie alternative, développée par Luca Turin et ses collaborateurs du MIT dès 1996, postule que notre odorat ne se base pas sur la forme des molécules, mais sur leurs vibrations quantiques. Cette hypothèse s'appuie sur le principe que les molécules, en mouvement constant, vibrent à des fréquences spécifiques. L'eau et l'eau lourde, par exemple, ont la même forme mais des vibrations différentes en raison de la masse accrue des atomes de deutérium dans l'eau lourde. Des expériences menées avec des drosophiles ont montré que ces insectes pouvaient distinguer l'eau de l'eau lourde, suggérant ainsi que l'odorat pourrait percevoir ces nuances vibratoires.
Le concept du "tunnel nasal quantique" a été avancé pour expliquer ce mécanisme. Il implique le passage d'électrons à travers les protéines réceptrices, un processus déclenché par l'énergie vibratoire des molécules, analogue à la spectroscopie par effet tunnel inélastique (IETS) utilisée en laboratoire. Cette théorie, bien que controversée, a des implications pratiques significatives. Luca Turin a fondé Flexitral, une entreprise qui exploite cette compréhension pour l'industrie de la parfumerie, permettant de remplacer des composés coûteux par des alternatives plus abordables tout en conservant l'essence olfactive recherchée.
Lors du quinzième anniversaire de Naukas Bilbao en 2025, Elixabete Rezabal, professeure de chimie physique à l'Université du Pays Basque, a souligné l'omniprésence de la mécanique quantique dans notre quotidien, concluant que pour le sens de l'odorat, la vibration est la clé de voûte de notre perception olfactive. Cette approche novatrice ouvre des perspectives fascinantes sur notre interaction avec le monde moléculaire, suggérant que même les processus les plus automatiques, comme la respiration, sont ancrés dans des phénomènes quantiques remarquablement subtils.