Le CERN multiplie par huit la production d'antihydrogène grâce à un refroidissement novateur des positrons
Édité par : Vera Mo
La collaboration ALPHA, opérant au sein de l'Usine d'Antimatière du CERN, a annoncé en novembre 2025 une avancée significative dans la manipulation de l'antimatière. Les scientifiques ont réussi à augmenter le taux de production d'atomes d'antihydrogène par un facteur de huit, une étape que Jeffrey Hangst, porte-parole d'ALPHA, avait qualifiée de science-fiction il y a dix ans. Cette amélioration est directement liée à l'intégration d'une technique de refroidissement novatrice des positrons, permettant de synthétiser plus de 15 000 atomes d'antihydrogène en quelques heures, un processus qui nécessitait auparavant plusieurs semaines pour atteindre des quantités comparables. Ce gain d'efficacité transforme l'étude de l'antimatière, la faisant passer d'un événement rare à un processus plus systématique.
Le cœur de cette optimisation réside dans la préparation des positrons, les partenaires de charge des antiprotons dans la formation de l'antihydrogène. Traditionnellement, les positrons, issus d'une source de sodium-22 radioactive, étaient confinés dans un piège de Penning où leur rotation induisait un refroidissement par perte d'énergie, les amenant à des températures de l'ordre de dizaines de degrés Kelvin. Cette température initiale s'est avérée sous-optimale pour une fusion efficace avec les antiprotons. La nouvelle méthode, détaillée dans Nature Communications, incorpore un refroidissement plus poussé des positrons, essentiel pour atteindre les conditions requises à une synthèse d'antihydrogène de haute qualité.
L'objectif fondamental de ces travaux demeure le test des principes fondamentaux de la physique, notamment la manière dont l'antimatière est affectée par la gravité. L'augmentation de la production est cruciale pour les expériences futures, en particulier ALPHA-g, qui vise à mesurer avec une précision accrue la chute libre de l'antihydrogène. Les travaux précédents d'ALPHA, incluant la première mesure directe de la chute libre de l'antihydrogène rapportée en 2023, avaient déjà établi que l'antimatière tombait vers la Terre avec une accélération similaire à celle de la matière, excluant une gravité totalement répulsive. Cependant, la précision de ces premières observations était limitée, se situant autour de 20 % de l'accélération gravitationnelle terrestre, notée g.
L'accès à des échantillons plus nombreux et plus froids d'antihydrogène, rendu possible par le nouveau procédé, est la clé pour réduire cette incertitude expérimentale et sonder les écarts potentiels avec la théorie de la relativité générale d'Einstein. Niels Madsen, porte-parole adjoint et chef du projet de refroidissement des positrons, a qualifié cette évolution de « changement de paradigme dans la science de pointe ». La capacité de préparer un échantillon utilisable d'antihydrogène pratiquement du jour au lendemain permet d'envisager des expériences de spectroscopie de haute précision, auparavant contraintes par la rareté des particules. Ces études détaillées sont essentielles pour sonder la structure fondamentale et tester des symétries fondamentales comme CPT.
Les recherches antérieures de l'expérience ALPHA, lancée fin 2005 en succession d'ATHENA, avaient permis de piéger des atomes d'antimatière pendant plus de 16 minutes en juin 2011, mais la production restait le principal facteur limitant. Le succès de cette technique de refroidissement sympathique, qui permet d'atteindre des températures approchant les -266 °C pour les particules impliquées, est l'élément déclencheur de cette efficacité accrue. Les campagnes récentes ont permis d'accumuler plus de deux millions d'atomes d'antihydrogène, fournissant une ressource matérielle substantielle pour des analyses approfondies et confirmant le rôle de l'Usine d'Antimatière du CERN comme installation mondiale unique pour l'étude de l'antimatière.
Sources
WWWhat's new
CERN
Future Timeline
Department of Physics - Simon Fraser University
Physics World
People | ALPHA Experiment - CERN
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