Notre cerveau élabore inconsciemment un système de représentation spatiale qui nous ancre dans notre environnement et relie nos expériences actuelles à nos souvenirs. Des éléments familiers comme les encadrements de portes ou l'agencement des meubles sont instantanément enregistrés mentalement. Franchir un seuil fait émerger une carte mentale, façonnée par l'activité de centaines de neurones, nous permettant de percevoir les changements subtils, de nous localiser et de comprendre que nous réintégrons une pièce par un autre côté, révélant ainsi la nature circulaire d'un couloir. C'est à ce moment que le cerveau boucle la boucle, connectant les représentations mentales du début et de la fin d'un parcours.
Une étude récente, publiée dans la revue *Neuron*, a démontré pour la première fois que l'information environnementale est organisée de manière géométrique dans le cerveau. Les chercheurs ont analysé l'activité de centaines de neurones dans l'hippocampe, une région cruciale pour la mémoire et la navigation. Dans le cas d'une pièce et d'un couloir, cette représentation prend la forme d'anneaux tridimensionnels. Lorsqu'une souris progresse dans un labyrinthe, ses neurones s'activent le long d'une trajectoire formant un cercle dans un espace abstrait, un anneau symbolisant l'expérience globale du trajet.
Tous les neurones ne participent pas de manière égale à ce processus. Certains codent des informations sensorielles spécifiques, telles que la texture du sol, la présence d'une récompense ou la direction des virages. D'autres, en revanche, utilisent des informations externes au labyrinthe, comme des signaux provenant de l'environnement plus large (localisation par rapport à une pièce, position d'un objet de référence), pour organiser la représentation et maintenir une orientation stable. Ces différentes populations neuronales forment des anneaux parallèles dans l'espace d'activité neuronale, chacun remplissant des fonctions distinctes.
En cas de désorientation, par exemple lors d'un déplacement ou si l'on a les yeux bandés, d'autres mécanismes entrent en jeu. Une représentation neuronale reste fixe, agissant comme une boussole interne pour maintenir la perception de l'environnement, tandis que d'autres neurones se réorientent pour représenter le changement. Ce réajustement mental nous assure d'être correctement orientés.
La compréhension de la manière dont le cerveau encode la structure de l'espace avec des formes géométriques précises ouvre de nouvelles voies pour appréhender la pensée, la mémoire et l'orientation. L'étude de la géométrie et de la topologie de l'activité cérébrale est un domaine émergent qui allie mathématiques, science des données et bio-ingénierie sophistiquée. Aujourd'hui, il est possible d'identifier des sous-types de neurones (excitateurs, inhibiteurs, producteurs de dopamine) et de visualiser leur activité en temps réel grâce à des protéines fluorescentes. Ces approches permettent une compréhension approfondie de la construction des cartes internes du cerveau.
Chaque découverte contribue non seulement à déchiffrer les fondements biologiques de la mémoire et de l'orientation, mais ouvre également la voie à de nouvelles applications en neurotechnologie et en intelligence artificielle. Ces avancées pourraient être déterminantes dans le traitement des troubles neurologiques où ces cartes se détériorent, comme dans le cas de la maladie d'Alzheimer. Des recherches récentes suggèrent même que des structures cérébrales peuvent exister jusqu'à onze dimensions, révélant une complexité insoupçonnée dans l'organisation neuronale grâce à l'application de la topologie algébrique. L'intelligence artificielle promet de révolutionner le diagnostic précoce et le traitement personnalisé des maladies neurologiques en analysant de vastes ensembles de données pour identifier des schémas et des corrélations subtiles.