Les souris femelles présentent un déclin cognitif plus prononcé lorsque seul l'un de leurs deux chromosomes X est actif : celui hérité de leur mère. Cette découverte a été publiée le 22 janvier dans la revue Nature. Edith Heard, professeure au Collège de France et spécialiste de l'épigénétique et de l'inactivation du chromosome X, a qualifié ces résultats d'"excitants".
Les femelles des mammifères possèdent deux chromosomes X dans leurs cellules, hérités de chaque parent. Les mâles ont un chromosome X de leur mère et un chromosome Y de leur père. Si les deux chromosomes X étaient actifs chez les femelles, les cellules ne seraient pas viables. Un processus évolutif a établi un mécanisme pour inactiver l'un des deux chromosomes X dans chaque cellule femelle dès le début du développement embryonnaire, un processus épigénétique impliquant l'ajout de marques chimiques à l'ADN.
En général, ce processus est aléatoire. Ainsi, dans la moitié des cellules femelles, le X maternel est inactivé, tandis que dans l'autre moitié, c'est le X paternel qui est inactivé. Cependant, il peut exister un "biais d'inactivation du X". Une étude américaine de 2006 a montré que, bien que la majorité des femmes aient une inactivation du X aléatoire, une minorité présentait une asymétrie significative, avec 95 % des cellules ayant le X paternel inactivé.
Une autre observation notable concerne les femmes atteintes du syndrome de Turner, caractérisé par un seul chromosome X. Claire Rougeulle, directrice du centre de recherche de l'Institut Curie à Paris, a noté que ces femmes présentent des différences cognitives selon qu'elles héritent du X maternel ou paternel.
Dans l'étude du 22 janvier, des chercheurs de l'Université de Californie à San Francisco ont créé des souris femelles où seul le chromosome X maternel était actif. Ils ont réalisé cela en inactivant un gène, XIST, dans le chromosome X maternel, qui déclenche l'inactivation du X. Ils ont comparé ces souris à des congénères normales où l'inactivation du X est aléatoire.
Les résultats ont montré que les souris femelles dont le X maternel était actif présentaient des capacités de mémoire et d'apprentissage réduites en vieillissant. Dans leur hippocampe, une structure cérébrale cruciale pour l'apprentissage et la mémoire, le chromosome X maternel a accéléré le vieillissement biologique des neurones.
Cependant, aucune autre fonction corporelle n'était affectée. La fonction cardiaque, la densité osseuse, le métabolisme énergétique, les niveaux de sucre dans le sang et le pourcentage de graisse corporelle chez ces souris étaient identiques à ceux des souris normales du même âge.
Claire Rougeulle a expliqué que le chromosome X porte de nombreux gènes essentiels pour des fonctions cellulaires de base, mais aussi pour des fonctions immunitaires et cognitives. Eric Gilson, spécialiste du vieillissement à l'Université Côte d'Azur, a souligné le rôle de certains gènes immunitaires identifiés dans l'étude. Les chercheurs ont trouvé neuf gènes complètement silencieux sur les chromosomes X maternels mais pas sur les chromosomes X paternels. Ils ont utilisé la technologie d'édition génétique CRISPR pour "réactiver" ces trois gènes liés à l'immunité, ce qui a entraîné une récupération significative des fonctions cognitives chez les souris femelles affectées.
Edith Heard a noté l'importance de l'influence du X maternel sur le comportement cognitif, en indiquant que le X maternel actif est présent chez tous les mâles. Cela soulève des questions sur le fait que les femelles qui activent davantage leur X maternel pourraient connaître plus de troubles cognitifs avec l'âge.
Ces résultats suggèrent que l'origine parentale d'un chromosome X peut avoir un impact significatif sur la santé cérébrale, incitant à des recherches supplémentaires sur les effets cognitifs liés à l'inactivation du chromosome X.