La restauration des herbiers booste les pêcheries locales à Wasini, Kenya

Un pêcheur de Wasini, au Kenya, avait du mal à capturer deux kilos de poissons par jour, à peine suffisant pour nourrir ses six enfants. Cependant, depuis le lancement des efforts de restauration des herbiers marins, sa pêche a grimpé à 60 kilos en une seule journée, augmentant considérablement ses revenus et attirant des acheteurs de Mombasa, située à plus de 100 kilomètres.

La surpêche et les pratiques de pêche destructrices, telles que le chalutage, ont longtemps contribué à la dégradation des herbiers marins dans la région. Ahmed Mohammed Abubakar, membre de l'Unité de gestion des plages (BMU) de Wasini, explique que ces pratiques nuisibles ont presque anéanti les herbiers. Désormais, la BMU s'engage à sensibiliser la communauté aux dangers des méthodes de pêche agressives : "Nous avons décidé de lutter contre ces pratiques en éduquant et en sensibilisant la communauté."

La BMU surveille la croissance des herbiers tous les quinze jours, notant leur développement et éliminant les algues ou débris qui pourraient entraver leur croissance. Ils protègent également les herbiers des menaces naturelles, telles que les oursins, ainsi que de la pollution, de l'urbanisation côtière et de la montée du niveau des mers.

L'Initiative de Restauration des Herbiers Marins de Wasini a débuté en 2014 avec le soutien de l'Institut de recherche marine et halieutique du Kenya (KMFRI), suivi de ressources supplémentaires fournies par l'Autorité de développement côtier (CDA) en 2019. À ce jour, la BMU a réhabilité 2,5 hectares de prairies sous-marines, plantant plus de 10 000 semis d'herbiers.

Geoffrey Rono, directeur de la recherche et de la planification stratégique à la CDA, souligne l'importance de ces initiatives pour la communauté locale : "Lorsque nous nous attaquons à la dégradation et à la restauration des écosystèmes, nous soutenons en réalité la communauté. Que ce soit les herbiers, les mangroves ou les récifs coralliens, ces efforts contribuent directement au bien-être des populations locales."

Cependant, un nouveau projet de port à Shimoni, conduit par l'Autorité des Ports du Kenya en collaboration avec le gouvernement local, menace les récents progrès de restauration. Les activités de dragage nécessaires à la construction du port risquent d'augmenter la sédimentation, étouffant ainsi les herbiers marins. L'introduction de navires plus grands pourrait également aggraver cette situation et endommager davantage les herbiers, en plus de la pollution sonore sous-marine qui pourrait perturber la faune marine. Mohammed Kassim, membre de la BMU, s'inquiète : "Nous avons investi plus de 200 millions de shillings kenyans (environ 1,5 million de dollars) dans la restauration. Le port pourrait compromettre nos efforts avec la sédimentation due aux dragages et la circulation des navires."

Les herbiers marins jouent un rôle vital dans le maintien de la biodiversité marine. Ils offrent des zones de reproduction pour les poissons, servent de source de nourriture pour de nombreuses espèces et contribuent à la régulation du climat en capturant du carbone. Lilian Daudi, chercheuse principale en écologie des herbiers marins au KMFRI, explique : "Les herbiers marins fournissent des habitats de nourriceries pour les jeunes poissons et des aires de reproduction pour diverses espèces. Ils participent aussi à la régulation climatique en stockant le carbone et produisant de l'oxygène, essentiel pour la vie aquatique."

Souvent appelées les "héros méconnus" des océans, ces prairies s'étendent sur plus de 300 000 kilomètres carrés dans 159 pays. Cependant, elles demeurent parmi les écosystèmes côtiers les moins protégés malgré leur rôle indispensable dans la santé des océans et la sécurité alimentaire des communautés côtières.

Le concept d'économie bleue prône une utilisation durable des ressources marines, en équilibre avec la protection des écosystèmes océaniques, pour favoriser la prospérité économique et le bien-être humain. La Banque mondiale définit cette approche comme l'optimisation des ressources océaniques pour les bénéfices économiques et environnementaux. Dans cette vision, les efforts de conservation et de restauration des herbiers marins, mais aussi des mangroves et des récifs coralliens, jouent un rôle clé dans l'avenir des océans et des populations côtières.

En investissant dans la restauration des écosystèmes marins, des organisations comme la BMU et leurs partenaires de recherche et de développement mettent en œuvre une stratégie d'économie bleue essentielle à la résilience et au développement durable des communautés côtières.

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